Accueil d’urgence – Parcours sans fil d’un Arménien lâché en France !

Il s’appelle Onik K. Francine Gay l’a trouvé devant l’hôtel, où elle allait voir une famille qu’elle accompagne. En voyant les gendarmes, elle a eu une très grosse frayeur !  Mais non, ce n’était pas pour expulser “sa” famille, mais pour cet homme de 37 ans, à la rue, alors que l’hiver commence à s’affirmer ! Histoire d’un accueil d’urgence ubuesque …

Hier, lors d’une conférence de presse, le préfet, Gilbert Payet, et Brigitte Luz, directrice de la cohésion sociale et de la protection des populations, nous disaient que tout était mis en place pour l’hébergement d’urgence en période hivernale On nous confirmait qu’il y avait assez de places, 170 places sur les Vosges, et qu’en jouant sur les différents sites, il y a avait largement pour répondre à la demande.

Pas pour les primo arrivants !

Une affirmation qui a été mise en défaut aujourd’hui. S’il y a peut-être des solutions pour les sans domicile fixe bien français et en possession de tous leurs papiers, ce n’est pas le cas pour les “primo arrivants”, un terme barbare pour dire que ces personnes viennent d’arriver en France, qu’elles sont entrées de manière illégale en payant des passeurs, pour échapper aux dangers qu’elles courent dans leur pays, et qu’elles sont donc sans papier et souvent sans argent.

Pas laisser quelqu’un dehors sans solution

Francine Gay fait partie du Collectif des Sans papier. Impossible pour elle de se regarder en face, si elle avait laissé dehors quelqu’un sans solution, alors que la température est de quelques degrés à peine ! Elle essaie de savoir pourquoi Onik K. se trouve dans cette situation.  Après bien des signes et des tentatives, elle comprend qu’il est arménien et vient d’arriver avec un passeur. Il a perdu sa femme, “qui serait restée dans la voiture”. Il parle arménien et russe, mais ni anglais, ni allemand et il est à la rue sans argent, sans savoir à qui s’adresser.

Aller à Saint-Dié … de Gérardmer

La procédure dit : SOS, 115 ! Mais le 115 n’a plus de place. Il est saturé et renvoie sur le commissariat de Saint-Dié. Le centre des demandeurs d’asile ne peut pas l’accueillir, sans que la procédure de demande d’asile ne soit ouverte. Le Centre d’hébergement ne peut pas non plus parce qu’il est “primo-arrivant”. N’ayant pas le temps, Francine Gay paie de sa poche, une nuit d’hôtel et revient le lendemain. Même démarche. Comme il ne comprend pas le français, elle téléphone au 115 pour lui. Il est 14h. Toujours pas de place ! Le répondant explique qu’il faut se rendre au commissariat de Saint-Dié pour avoir un bon d’hébergement d’urgence. Mais pourquoi Saint-Dié alors qu’il est à Gérardmer ? C’est la procédure !

Juste 29km et 45 minutes

La préfecture contactée confirme : “Allez au commissariat de Saint-Dié, il y aura une solution. Dans les Vosges, on ne couche pas dehors !”. Francine Gay renonce à comprendre cette logique administrative … sûrement un effet des regroupements … Heureusement, elle a une voiture et embarque son passager, direction Saint-Dié. De Gérardmer à Saint-Dié, il n’y a que 29km, juste 45 minutes après tout … 3/4h plus tard, nous voilà au Commissariat de Saint-Dié. Les policiers ouvrent de grands yeux. Ils ne comprennent pas pourquoi de Gérardmer, on arrive à Saint-Dié et visiblement, “La Procédure”, ici, on ne connaît pas !

La patate chaude

Bon, on ne laisse pas non plus quelqu’un dehors sans abri. Les policiers se mettent à plusieurs pour tenter d’éclaircir la situation, mais vraiment la raison pour laquelle Saint-Dié doit gérer cette situation, leur échappe. Il se font préciser le parcours, tiquent un peu sur le “retrait” des gendarmes venus et repartis aussi vite… Ça sent la patate chaude … Ils finissent par contacter le CCAS de la ville de Saint-Dié. A défaut, il y a la salle de rétention … On ne peut pas leur reprocher de ne pas avoir essayé ! Le CCAS répond positivement. L’officier Yannick Crosnier et son collègue sont tout fiers d’avoir trouvé une solution provisoire. C’était la première fois qu’il gérait cette situation…

Pas pour les primo-arrivants !

16h30 : Ré-embarquement vers le CCAS (Centre communal d’action sociale). Là, l’accueil est chaleureux. Une assistante sociale, Sandrine Claudel, va recevoir Onik K. Ré-explication pour la Xième édition, mais déjà, ça se gâte. La solution aurait été d’ouvrir un dossier Service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO), mais un Arménien sans papier, primo-arrivant ne peut pas y prétendre. Le centre d’hébergement du CCAS n’est pas autorisé à accepter les primo-arrivants et à 17h, il n’y a plus de décideurs dans aucune structure. Le téléphone sonne …

La demande d’asile à Metz et en janvier

Francine Gay recontacte Christian Michel, qui gère un nouveau centre d’accueil des demandeurs d’asile. Pour pouvoir être accueilli quelque part, il faut avoir enclenché la procédure de demande d’asile, et pour ça, il faut se rendre à Metz, à la préfecture de Région (juste 163km et 2h05 de trajet !), qui ne peut plus donner de rendez-vous avant janvier et qui de toute façon est fermée après 16h30. Donc, ce sera la première démarche demain, mais que faut-il faire pendant 3 semaines jusqu’en janvier ? Téléphoner au 115 et s’entendre dire qu’on ne dépend d’aucune structure ?  Chaque jour quémander un bon d’urgence pendant 3 semaines ? Est-ce ça, la réponse aux besoins ?

Juste 2 nuits sans galère

Pourquoi de Gérardmer, nous envoie-t-on une personne à Saint-Dié ? tempête  Jean-marie Lalandre, directeur du CCAS. De toute façon dans quinze jours, le centre d’hébergement ferme.” Les élus ont décidé qu’en ces temps de contraintes financières, ils ne pouvaient plus assurer seuls ce financement. Les communes voisines n’ont pas voulu y participer. Donc, ils ferment le centre au 1er janvier 2015.  “Je trouve choquante cette procédure. Nous n’étions pas à cette réunion d’acteurs de l’hébergement d’urgence et les primo-arrivants ne dépendent pas de nous !”. Il a tout de même accepté de prendre en charge 2 nuits, les 2 repas du soir et les 2 petits déjeuners, en sachant que pendant la journée, Onik K. sera dehors. Le parcours du combattant en toute objectivité ne fait que commencer !

Jeudi : suivi du roman à épisodes

Francine Gay, qui ne désarme pas, vient d’appeler la Plate forme accueil des demandeurs d’asile (p.a.d.a). Onik K. a rendez-vous le 8 janvier au centre social, rue Henri Seignier à Épinal (40km, 50 minutes de trajet). Ils feront les papiers de préparation du dossier avec lui. Et il a obtenu un rendez-vous le 23janvier à la Préfecture de Metz pour enregistrer ses empreintes digitales au fichier et établir un document provisoire pour circuler. Il sera ensuite dirigé sur l’O.f.f.i et là, il pourra prétendre à un CADA. Le 115, qui a pris bonne note de tout ça. Elle le rappelera vendredi à 14h30, à la fin de ses nuitées à Saint-Dié pour savoir ce qu’ils peuvent faire…

 

 

 

 

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