Loi du Travail – Décortiquer le projet de loi El Khomri …

Samedi à Gérardmer, Éric Defranould de Gérardmer Solidaire proposait de mieux comprendre la loi El Khomri avec Astrid Toussaint, Inspectrice du Travail et militante syndicale à Sud Travail/Solidaire. Un débat avec une trentaine de personnes.

Le code du travail réglemente les rapports au travail et c’est important ! explique Astrid Toussaint, parce que le droit du travail, c’est bien la protection des travailleurs. Ce n’est pas la gestion des entreprises. Les patrons prétendent que c’est parce que la législation est trop rigide qu’ils ne parviennent pas à embaucher, mais c’est faux. On a vu que dans les autres pays, s’attaquer au droit du travail, ne crée pas d’emplois. En Italie par exemple, le chômage a un peu baissé mais il y a énormément de précarité”.

Le code du travail est le garde-fou du salarié

Le code du travail est obèse, difficile à comprendre, mais “pour l’alléger, il suffit d’enlever tous les régimes dérogatoires !”, ironise l’inspectrice du travail. “Si on supprime le code du travail, il n’y a plus de garde-fous, on revient au code civil, précise-t-elle. Et les parties qui s’affrontent sont censées être à égalité. Or, ce n’est pas le cas puisque le patron a tous les droits et que le travailleur lui est subordonné par le contrat de travail.

Le barème des indemnités prud’homales devient indicatif

Ce qui a été modifié lundi : “Quand on conteste son licenciement devant le conseil des prud’hommes, on demande des comptes. On estime son préjudice à tant d’euros. La modification porte sur le barème qui passe de contraignant à indicatif. Le juge décidera de ce qu’il veut faire. C’est un peu comme le droit à polluer. Ça coûte combien ? J’achète la compensation et je continue à polluer. Mais ce n’est pas le fait majeur de cette loi, car depuis 2008, les licenciements sont en baisse et les ruptures conventionnelles en hausse”.

Attention à l’inversion hiérarchique des normes !

Une rupture de contrat sur 10 est une rupture conventionnelle et elles touchent particulièrement les jeunes et les seniors. La rupture conventionnelle est un accord pour se séparer (employeur et salarié) sans possibilité de poursuites. Mais dans ce projet de loi, le plus grand danger porte sur “l’inversion hiérarchique des normes”. “Aujourd’hui, le contrat de travail est en bas, puis vous avez les accords d’entreprise, les accords de branches, la convention collective, la directive européenne… A chaque niveau, l’accord ne peut pas être moins favorable que le précédent. Il ne peut donc y avoir qu’une amélioration des conditions”.

Le droit du travail sera déterminé par les accords d’entreprise

La loi El Khomri prévoit d’inverser les normes. Ce sera alors par les accords d’entreprise que se fabriquera le droit du travail et l’entreprise pourra déroger à la loi. Et là, c’est inquiétant. “L’entreprise pourra obtenir des dérogations sur la durée du temps de travail par exemple. Tout va dépendre du rapport de force. Quelle possibilité de résister aura un syndicat qui représente 6 à 7% des salariés dans le privé ? Pour négocier, il faut que les gens soient formés et surtout que ça ne se passe pas avec votre patron, qui a tout pouvoir sur ses salariés”.

S’il n’y a pas d’accord, c’est l’employeur qui fixe les règles

Les salaires seront renégociés tous les 3 ans. “C’est déjà difficile d’obtenir une négociation annuelle, alors s’il n’y en a pas, il n’y aura tout simplement pas d’augmentation de salaire”, commente Astrid Toussaint qui poursuit : “Si vous ne parvenez pas à un accord, c’est l’employeur qui en décide. Mais quel est l’intérêt pour lui de négocier s’il peut au final décider tout seul ? Demain, si la loi passe, ce sera le patron qui fixera tout seul les règles. Vous voyez le danger !”.

Un salarié mandaté pourra signer dans les petites entreprises

Dans les entreprises de moins de 50 salariés, il est prévu qu’un salarié mandaté puisse signer les accords d’entreprise” continue-t-elle. Ce qui ouvre le champ à toutes les pressions. Un salarié travaille actuellement 207 jours (1607h/an), mais l’accord peut décider de passer au forfait jour, qui normalement s’applique plutôt aux cadres, et vous devrez travailler 275 jours. Le repos hebdomadaire qui est de 11h consécutives actuellement, pourra être fractionné en 2 ou 3 fois.

Temps de travail sur 3 ans

Pour le travail à temps partiel, les heures supplémentaires pourraient toutes être payées à 10% de plus et il est question de ne plus calculer les heures travaillées à la semaine mais sur 3 ans. “Vous imaginez la facilité de compter les heures, il va falloir suivre et les heures supplémentaires vont être gommées”. Et la consultation du comité d’entreprise ne sera plus obligatoire, une simple information suffira. Une analyse qui a fait réfléchir les personnes présentes et les a interpellées. Quelle place a le salarié dans notre société ?

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