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Réfugiés de Calais – Malick et Jahred, au coeur du système de Dublin …

Malick réfugié de Calais arrivé à Épinal lors du démantèlement de la jungle, a raconté précédemment la persécution acharnée et la torture sur fond de guerre du Darfour qu’il avait subies et qui l’avaient obligé à s’enfuir.  Tout perdre pour rester en vie. Pour Jahred, le parcours n’est guère différent. Une autre ville, Cap Cabiai, la même tribu, les Zaghawa, la même guerre civile entre les rebelles du SLA-AW et le régime d’Omar El bachir, avec en otage la population.

Jahred, 23 ans, explique que tout a commencé comme pour Malick en 2003. Il s’est trouvé séparé de sa famille. Son grand-père et 2 de ses frères ont été pris dans les combats et ont été tués.

Dans les camps de l’ONU

Il ne savait pas où se trouvait sa mère et ses 2 autres frères. Il a rejoint les camps mis en place par l’ONU. Là-bas, c’était l’anarchie ! Les réfugiés se faisaient tout voler, l’argent, les affaires, la nourriture. L’ONU était débordée par les masses de population qui arrivaient chaque jour. Mais il y a retrouvé le reste de sa famille.

L’ONU se retire

La situation humanitaire de ces familles est désespérée. L’ONU leur a alors proposé un peu d’argent pour quitter le camp et construire une maison pour leur famille. C’est ce qu’ils ont fait. Et quelques temps plus tard, l’ONU a quitté la région. C’est à ce moment là que la guerre  est devenue ouverte entre les rebelles et les milices des Janjawids ralliées au gouvernement. Sa famille essayait de vivre tout simplement, mais n’était pas engagée politiquement. Pourtant, Jahred s’est fait kidnapper sur le chemin du lycée par les Janjawids.

Torturé par les Janjawids

Ils lui ont montré des photos et voulaient qu’il leur dise ce que faisaient ces personnes et qui travaillait contre le gouvernement. Il était attaché avec des cordes et subissaient des interrogatoires quotidiens. Il est resté une dizaine de jours enfermé et torturé. Un jour, une femme a profité de l’absence de ses tortionnaires. Elle lui a apporté de l’eau, l’a détaché et lui a dit de s’enfuir avant qu’ils ne reviennent. Il était pied nus. Il est parti avec son jerrican d’eau pour tout bagage.

Libéré pour espionner

Il a déchiré son pantalon pour s’entourer les pieds et faire un semblant de chaussures et il a marché. Il se déplaçait la nuit pour éviter les patrouilles. Il a marché 3 jours pour rejoindre sa famille. En fait, il l’ont laissé partir en échange d’espionnage. Il devait tous les jours leur communiquer des informations qur qui faisait quoi. Il a joué le jeu sans rien leur dire d’important, mais l’armée le surveillait tout le temps et il savait qu’il ne pourrait pas s’en sortir.

Le Tchad puis la Lybie, mais pas de place pour eux

Il s’est enfui et a rejoint un frère plus âgé qui habitait un petit village et son frère a accepté de l’aider à partir. Il est passé au Tchad pour rejoindre ensuite la Lybie. Mais 2 mois après son départ, il a appris que la milice avait fait un raid à la ferme de son frère et ils l’ont tué. Aucun des 2 n’avaient envisagé de venir en Europe. Ils ont juste fui le pays où ils étaient en danger et mettaient les autres en danger. Ils ont passé une frontière pour ne pas être poursuivis. Mais le Tchad et la Lybie ne sont pas des pays, où les réfugiés peuvent vivre en paix.

Pas mieux en Italie

“On m’avait dit qu’en Lybie, c’était bien, mais là-bas, les Soudanais ne peuvent pas travailler, poursuit Malick.  Refoulé plus loin, il décide de traverser vers l’Italie. Même trajectoire pour Jahred, qui balloté de pays en pays, cherche simplement un pays où il pourra travailler et se poser. Ce n’est pas une partie de plaisir. Ils doivent éviter la police, trouver à manger et dormir. Ils se sont rencontrés en Italie en mai 2016.

Les empreintes prises de force en Italie

Mais en parlant avec les gens, ils ont compris qu’être réfugié en Italie était difficile. “On nous a conseillé de partir avant de se faire arrêter et prendre de force les empreintes pour le fichier du système Dublin“. La réglementation européenne, connue sous le nom de Dublin II, prévoit que le premier État dans lequel pénètre un demandeur d’asile est responsable de sa demande. Une fois que leurs empreinte sont enregistrées dans le fichier européen, ils ne peuvent plus faire de demande d’asile dans un autre pays, même si ce pays n’est qu’un pays de transit.

Renvoyés au Sud de l’Italie

En juillet, ils se sont séparés parce que passer la frontière italienne est difficile et risquée et il est plus simple de le tenter seul. “J’ai essayé de passer toutes les nuits”, témoigne Malick. Il s’est fait prendre 2 fois à Nice et à Monaco, et comme la police italienne les avaient obligés à enregistrer leurs empreintes en Italie, c’est là-bas qu’ils étaient renvoyés. Et une fois pris et enregistrés, ils étaient rejetés par les gens du camp, qui ne voulaient pas risquer d’être pris. “Quand on se faisait prendre, ils nous ramenaient au Sud de l’Italie en avion, pour qu’on ne puisse pas retenter de passer”, expliquent les 2 jeunes qui ont vécu la même aventure séparément.

Ils restent près des gares

Ils n’ont pas été jusqu’à se brûler les doigts pour faire disparaître leurs empreintes comme on le voit de plus en plus fréquemment. Ils ont simplement retenté inlassablement de passer la frontière. Ils sont arrivés à Marseille. On leur a dit qu’il valait mieux aller jusqu’à Paris pour faire une demande d’asile. Alors ils sont passés entre les mailles du filet, dormant la plupart du temps dans les gares, souffrant de la faim, sauf quand des associations ou des familles leur apportaient à manger chaud et froid et à boire, et parfois des vêtements. Ils se faufilaient dans les trains de marchandises pour avancer vers Paris.

Paris, trop difficile de manger !

A Paris, c’était très difficile d’arriver à manger, à avoir un abri. Il y avait de telles files d’attente qu’ils ont pensé que ce serait mieux à Calais. Personne n’en était revenue pour dire comment ça se passait là-bas, alors ils ont décidé d’y aller. A Calais, les conditions de vie étaient horribles. les gens dormaient devant les bureaux pour être sûrs de garder leur place et de passer un jour, mais il y avait des associations pour vous aider dans les démarches. Mais au moins, là, on leur a expliqué comment faire pour entreprendre la régularisation de leur situation.

Calais, la jungle mais la solidarité !

La solidarité à Calais était  spontanée. “Les associations voyaient comment on vivait et faisait tout pour nous aider. Dans la jungle,  tout le monde se retrouvait dans les mêmes conditions de vie et il y avait de l’entraide, des échanges autour du feu de camp, des chants qui jaillissent parce que la vie devait continuer. Les conditions vitales étaient très dures, mais la chaleur humaine, les relations fortes avec des gens qui avaient vécu les mêmes choses, et l’espoir d’aboutir compensaient la dureté de la vie. Et Jahred avoue que cette communauté lui manque !

Être réfugié, c’est vivre la peur au ventre

Mais être réfugié, c’est aussi vivre la peur au ventre à chaque instant, peur qu’on vous renvoie dans votre pays. “Tous les matins je priais pour ne pas repartir”, confie Malick. C’est avoir faim, froid, c’est subir le regard des autres, de ceux qui ont une maison, à manger et un travail. C’est voir les familles partir vers un appartement et se dire que vous ne savez pas de quoi l’avenir sera fait et si vous y aurez droit un jour.

A calais, la vie dictée par les horaires

A Calais, la vie était rythmée par les horaires : l’heure où l’on vous distribue les tickets pour la douche, l’heure du petit déjeuner amené par des associations, l’heure d’ouverture des bureaux pour les démarches, l’heure des activités, apprendre un peu de français, un peu d’art créatif  ou  autres activités proposées par les bénévoles“, explique Malick.

Je n’ai jamais voulu aller en Angleterre !

C’est en France, que nous avons reçu le plus d’aide et d’informations, reprend Malick et c’est pour ça que je veux rester sur ce territoire. Je n’ai jamais voulu aller en Angleterre. J’ai juste fui mon pays pour sauver ma vie, mais j’ai passé la frontière pour me mettre hors de danger, mais après il faut pouvoir vivre et c’est ce qui m’a poussé petit à petit jusqu’à Calais”.

SLA-AW : Sudan Liberation Army – Abdul Wahid, un groupe rebelle contre le gouvernement

http://www.actu88.fr/refugies-de-calais-temoignage-de-malick-et-jahred-soudanais/

B.Boulay

Journaliste, c'est mon job ! J'aime les rencontres qu'il suscite, la diversité des milieux où il nous mène, les enjeux qu'il explore. J'apprécie le jeu de fil de fériste de l'éthique, qui parfois nous complique bien la vie... Après plus de 15 ans d’actualités locales, ACTU 88 est né. L’essentiel en toute simplicité. ACTU 88, c’est un journal indépendant, une aventure, un regard. C’est l’histoire d’hommes et de femmes qui donnent du sens à des projets. C’est la vie d’un territoire face aux enjeux de l’avenir. Faites-en un favori et contactez-moi ! ACTU 88 sera ce que vous en ferez ...

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