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Attac – La suppression de la taxe d’habitation renforce les inégalités

Au moment de la discussion autour du projet de loi de finances 2018, des économistes d’Attac vous proposent leur analyse sur les principales mesures portées par le gouvernement.

Réforme de la taxe d’habitation

par Isabelle Bourboulon et Vincent Drezet

La taxe d’habitation va être supprimée pour 80 % des ménages en compensation de la hausse de la CSG et se fera par tiers. Elle sera valable dès novembre 2018, au moment du paiement de cet impôt, pour les célibataires dont le revenu annuel ne dépasse pas 30 000€, (soit 27 000€ de revenu fiscal de référence (en prenant en compte l’abattement fiscal de 10 %), 43 000€ pour un couple et 49 000€ pour un couple avec un enfant.
Tous les ménages dont le revenu fiscal de référence est inférieur à ces plafonds, auront leur taxe d’habitation réduite de 30% en 2018, puis
de 65% en 2019, pour être porté à 0€ en 2020. Mais cette mesure ne sera pas suffisamment redistributive pour réduire significativement les inégalités. Tout d’abord elle ne bénéficiera pas aux ménages les plus pauvres, dont 20 % sont déjà exonérés de cette taxe (22 % des foyers fiscaux bénéficient, quant à eux, d’allègements). La suppression de la taxe d’habitation cible les classes moyennes supérieures.
Même si elle ne dépend pas directement du niveau de revenu, la taxe d’habitation croît avec la valeur locative du logement en lien avec le revenu. Enfin, la réforme ne prévoit pas la révision des bases cadastrales à partir desquelles est calculée la taxe d’habitation, ce qui entraîne d’importantes disparités géographiques. À rebours du discours officiel, cette réduction partielle de la taxe d’habitation ne va pas réduire les inégalités, bien au contraire !
ISF
par Vincent Drezet

Le projet de loi de finances 2018 confirme la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Au nom de la taxation de la rente immobilière, il instaure un impôt sur la fortune immobilière (IFI) dont les
règles seront calées sur celles de l’ISF. La suppression de l’ISF était réclamée par les milieux patronaux
et les milieux financiers. Leurs arguments ? La France serait seule à taxer le stock de patrimoine, ce qui
favoriserait l’exil fiscal des investisseurs et contribuerait à plomber l’activité économique.
L’ISF imposait le patrimoine net (abattements,
exonérations et dettes déduits) supérieur à 1,3 million
d’euros. 350 000 contribuables y étaient assujettis en 2016
pour un rendement de 5 milliards d’euros (1,8 % des
recettes fiscales de l’État). Impôt progressif dont les taux
allaient de 0,5 à 1,5 %, l’ISF compensait le caractère
faiblement progressif du système fiscal français dû
notamment à la faiblesse de l’imposition des revenus
(parmi les plus faibles des pays de l’OCDE).
Le nombre de redevables de l’ISF partant chaque année à
l’étranger ne représente en réalité que 0,15 à 0,2 % du
total de redevables de l’ISF. Entre 15 et 30 % reviennent en
France
Les études menées sur le sujet montrent que
ces départs procèdent de choix personnels et
professionnels, elles ne concluent pas à un phénomène
d’ampleur, contrairement à ce que suggèrent des cas
médiatisés.
Devant le tollé provoqué par cette mesure, le
gouvernement a annoncé qu’il imposerait les signes de
richesses (yachts, jets privés…). Or ces biens sont souvent
la propriété de sociétés (parfois immatriculées dans
d’autres pays), non soumises à l’ISF. Cette mesure ne
comblera pas le manque à gagner. En réalité, elle relève
de l’écran de fumée destiné à faire oublier l’essentiel :
l’exonération du patrimoine financier. La fin de l’ISF
nourrira l’injustice fiscale et la hausse des inégalités. Et
ce d’autant plus que les revenus financiers ne seront plus
imposés au barème progressif.
HALTE À L’INJUSTICE FISCALE !
décryptage du budget 2018.
Retour
Le coût budgétaire de cette mesure avoisine 4 milliards
d’euros selon l’OFCE
1
, et seulement 3,2 milliards selon le
gouvernement. Pour les redevables de l’ISF, le gain sera
d’autant plus fort que la part du patrimoine financier dans
le patrimoine total est élevée. Or, elle s’accroît au fur et à
mesure que la valeur totale du patrimoine augmente. Le
patrimoine mobilier et financier représentait 60 % du
patrimoine total des 5 % les plus aisés, plus de 70 % pour
le 1 % les plus riches et plus de 80 % du patrimoine des 30
000 ménages les plus aisés (données 2012). La réforme
bénéficiera donc pleinement aux plus riches.
Concrètement,
U
n contribuable disposant d’un patrimoine de 2 millions d’euros (900 000 euros pour l’habitation
principale, 400 000 euros d’autres biens immobiliers et 700 000 euros de capital mobilier et
financier) payait 5 510 euros d’ISF. Il ne paiera pas l’IFI.
Un redevable disposant d’un patrimoine de 50 millions d’euros (3 millions d’euros pour l’habitation
principale, 9 millions d’euros d’autres biens immobiliers et 38 millions d’euros de patrimoine
global et financier) payait 684 690 euros d’ISF. Il paiera 114 690 euros d’IFI, soit une économie de
570 000 euros.
L’argument principal avancé pour cette réforme de l’ISF
est de faciliter le financement de l’économie en
encourageant la détention d’actifs financiers. Mais en
réalité, la faiblesse de l’investissement est d’abord la
conséquence d’une insuffisance de la demande, et non
pas le manque de ressources financières des entreprises.
De plus, l’IFI alimentera la rente immobilière et la
financiarisation de l’économie via les stratégies
d’optimisation fiscale : des montages pour l’éviter via la
détention de sociétés à prépondérance immobilière dont
les titres ne seront pas imposés à l’IFI se préparent
déjà
Pour financer l’action publique, corriger les inégalités et
éviter l’émergence d’une classe de rentiers ; imposer le
stock de patrimoine est nécessaire. Il s’agit donc
d’instaurer un impôt sur les patrimoines les plus
importants disposant d’une assiette large incluant le
patrimoine financier et débarrassé de l’essentiel des
niches fiscales de l’ISF. Un abattement en montant sur la
résidence principale et une exonération limitée aux
véritables biens professionnels seraient possibles. Il serait
calculé sur un barème progressif avec des taux compris
entre 0,5 et 1 %. Un tel impôt dégagerait
davantage de ressources que l’actuel ISF.

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